抄録:
Cette étude s’intègre à une série de travaux menés depuis 2001 sur les habitudes de sommeil des Français et des Japonais et sur ce que celles-ci peuvent nous apprendre sur le fonctionnement de la cellule familiale, les rapports entre individus, la parenté, les relations amoureuses ou autres (Azra & Vannieuwenhuyse 2001 ; Azra 2001 ; Azra & Vannieuwenhuyse 2002 ; Dohi, Vannieuwenhuyse & Azra 2002 ; Azra, Jean-Luc 2004). Le présent travail reprend des données inexploitées d’une enquête de 2002 menée auprès de 93 étudiants (44 Français et 49 Japonais)1, et qui portait sur les temps de sommeil, le sommeil dans les lieux publics, le sommeil des enfants dans un lieu séparé des parents, et les habitudes de sommeil des parents après vingt ans de vie commune. Les données qui avaient été laissées de côté et qui sont exploitées ici concernent notamment le détail des commentaires des étudiants sur ces deux derniers points, à savoir le sommeil des enfants dans un lieu séparé et les habitudes de sommeil après vingt ans de vie commune. En ce qui concerne la question du sommeil lui-même, les données utilisées avaient permis de montrer que sommeil, intimité et sexualité étaient liés pour les Français, ce qui avait aidé à comprendre pourquoi les Français étaient surpris, voire choqués, de voir les Japonais dormir dans les lieux publics, ou d’apprendre que les enfants japonais dorment avec leurs parents jusqu’à un âge avancé. Ici, le détail des commentaires permettra d’établir de façon indirecte une image partielle de la structure de la cellule familiale. On verra en particulier que la cellule familiale française semble se distinguer par l’existence d’une entité particulière, qu’on peut appeler “couple”, et qui manquerait à la cellule familiale japonaise2. Les parents français, même après le mariage, même après la naissance des enfants, même après vingt ans de vie commune, semblent devoir nécessairement dormir ensemble (sans les enfants) et avoir une vie sexuelle. La disparition d’un de ces éléments signe la fin du couple, et le plus souvent de la cellule familiale dans son ensemble. Dans la cellule familiale japonaise, l’entité “couple” (telle que définie ci-dessus) est le plus souvent inexistante, et si nos étudiantes filles manifestent plus que les garçons une certaine attente romantique, la continuité d’une vie sexuelle n’est pas évoquée comme une nécessité. La rupture des relations romantiques / sexuelles entre les parents ne semble pas constituer un problème pour la cellule familiale, en tout cas dans le cas de personnes ayant dépassé l’âge de procréer3.