Abstract:
Pourquoi Flaubert a-t-il choisi l’éducation comme le dernier thème de son oeuvre ? On sait que Flaubert prétend écrire le dernier chapitre de Bouvard et Pécuchet pour montrer que « l’éducation, quelle qu’elle soit, ne signifie pas grand-chose, et que la nature fait tout ou presque tout1». Avec le garçon voleur et la fille perdue, la démonstration semble bien faite. C’est une belle illustration du « défaut de méthode dans les sciences. » Mais cela n’explique pas pourquoi l’éducation doit venir après les autres sciences. Bien entendu, on pourrait alléguer une raison inhérente à la diégèse du roman : les deux bonshommes ne pourront pas aborder la pédagogie pour enseigner les sciences aux enfants avant qu’ils les aient apprises euxmêmes. Cependant, au-delà de cette explication, il nous semble possible d’y reconnaître une constante, un souci flaubertien, une prise de conscience du fonctionnement « moral » de la fin du récit. On sait que toute fin du roman flaubertien est construite volontairement polémique. C’est un écrivain très attentif à la fin de l’oeuvre, à la manière dont elle cesse de raconter et rend sa liberté au lecteur. En effet, l’écrivain ne peut finir un récit sans tenir compte de son effet moral. Dans le roman flaubertien, la fin de l’oeuvre et la moralité sont inséparables l’une de l’autre. Or, qu’est-ce qu’il y a de mieux que l’éducation des enfants pour parler de la morale ? Ce chapitre a pour dénouement la chute des enfants. La place de l’éducation s’explique ainsi, du moins partiellement, par le souci qu’a l’auteur de privilégier la fin du récit comme lieu d’interrogation sur les rapports entre l’excipit et le fonctionnement « moralisateur».